Genèse 9 :3 éclaire-t-il le récit des offrandes de Caïn et d’Abel ? Restons prudents avec l’interprétation, mais voyons ce que pourrait nous apporter cette clé de lecture…
« Tout ce qui se déplace sur la terre et qui vit vous servira de nourriture : je vous donne cela de la même manière que je vous ai donné l’herbe verte. » (Genèse 9:3)
Ce texte me donne l’intuition que le régime carné des humains n’est autorisé par Dieu qu’après le déluge, et renouvelle ma compréhension de la discrimination qu’Il fait entre les deux offrandes, celle de Caïn et celle d’Abel.
Quel est le rapport de Caïn avec son offrande ? Il apporte à Dieu le fruit d’un sol maudit. « J’ai dû travailler dur, à la sueur de mon front, pour t’offrir ces épis, ces fruits, ces légumes péniblement conquis malgré tout… Vois ce qu’il m’en a coûté ! » Une offrande certes, mais est-ce un sacrifice ? Ou n’est-ce pas plutôt un défi ? Une rage détournée ? Une insulte ? En tout cas, ce qu’il offre à Dieu, c’est le résultat d’un effort, pas d’une émotion…
Quel est le rapport d’Abel avec son offrande ? Ses moutons ne lui coûtent aucun effort. Peut-être qu’il en récupère la laine pour ses habits, le lait des brebis ? En aucun cas il ne lui viendrait à l’idée d’en tuer un pour le manger ! Éventuellement le fait-il très rarement pour en récupérer la peau, et pouvoir s’en vêtir. Mais la durée de vie limitée d’un mouton devrait même lui épargner cette tâche : il lui suffit de dépecer celui qui meurt de mort naturelle… et un habit de cuir, ça dure plusieurs années !
Avez-vous déjà assisté à l’attention qu’un berger porte à ses moutons ? J’ai pris conscience de cette relation lors d’une marche dans le Val Verzasca en mars de cette année, et cela m’a profondément touché. Un berger AIME ses brebis ! Il leur parle affectueusement, il les laisse s’approcher de lui, il les caresse quand elles sont à portée de main, il consacre du temps à chacune d’elles, il passe des moments d’intimité que rien ne pourrait déranger… Et que dire des agneaux : vous en avez peut-être déjà côtoyé ? Peut-être tenu dans les bras ? Mais même si ce n’était pas le cas, vous pouvez aisément imaginer l’émotion que ce contact peut procurer…
Je pense à Abel, peut-être premier berger de l’histoire de la domestication : quelle relation développait-il avec son troupeau, avec chacune de ses brebis, chaque bélier, chaque nouveau-né ? Lui qui n’avait pas d’intérêt alimentaire à s’en occuper (je reste dans notre hypothèse), avait par contre une profonde raison de leur consacrer son temps : il était en relation affective ! Alors quand Abel choisit de se séparer d’un agneau, de le tuer pour l’offrir à l’Éternel, n’est-ce pas un déchirement, un réel « sacrifice » ? C’est son cœur qui est engagé dans cette offrande, pas sa sueur ! Et du coup, Dieu ne reconnaît-il pas dans cet acte de foi (Héb. 11 : 4, bien sûr), le même déchirement qu’Il serait amené à subir, quelques millénaires plus tard, en offrant Son Fils unique pour apporter une ultime et définitive solution à la question du péché ?
Avec l’offrande des produits de la terre, Caïn reste prisonnier du péché, de l’échec, de la condamnation, de la malédiction. La suite du récit montre à quel point il fonctionne dans ce paradigme, et n’en sort pas.
Avec l’offrande d’un agneau, Abel s’inscrit dans une autre logique : celle de la grâce, de l’amour, de la relation, il agit en fonction de son cœur, et il rejoint le cœur de Dieu ! Le triomphe de l’affect sur le muscle ?
Ces idées me rejoignent et me visitent : De même aujourd’hui, mon Papa recherche l’engagement de mon cœur avant et plus que celui de ma bonne volonté, de mes efforts, de mon savoir-faire. Est-ce que, dans ma vie, je lui propose l’offrande de Caïn ? Ou celle d’Abel ?
Cette méditation fait suite à la prédication « l’humanité déchirée ».
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