Le retour de la censure de l’Église ?

par | Oct 24, 2025 | Articles | 1 commentaire

Dans notre communauté, nous avons un groupe WhatsApp destiné à nous donner des nouvelles des uns des autres, de l’Église et à nous encourager dans la foi. Tous les membres sont invités à participer et peuvent librement poster des messages. Il arrive donc parfois que des messages qui n’ont rien à voir avec la vie de l’Église soient postés sur le groupe. Parfois c’est mignon, lorsque, par exemple, une grand-maman partage une vidéo de chats. Le seul risque — si on ne considère pas l’altération de la réalité par l’IA — c’est que le groupe perde de son intérêt.

Il arrive aussi que quelqu’un ait entendu un enseignement tellement important qu’il estime que l’ensemble de la communauté devrait en profiter. Nous avons tous à cœur de défendre ce que nous croyons juste, et c’est une bonne chose. Alors, nous voulons en faire profiter l’ensemble de nos frères et sœurs en Christ.

Et c’est là que la modération intervient, parce que parfois ces enseignements sont en décalage avec le vécu de l’Église. Il arrive de temps en temps qu’un message partagé, même avec de bonnes intentions, soulève des interrogations sur le plan de l’interprétation de la Bible. Dans ces cas-là, le rôle de la modération est d’aider à garder le cap sur l’objectif du groupe, surtout quand certains enseignements ou vidéos risquent d’apporter de la confusion.

Mais pourquoi ai-je décidé de supprimer cette vidéo du groupe ?

Évidemment, je ne peux que saluer le fait que cette dame dénonce Halloween. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai jamais compris comment on pouvait célébrer la mort. Bien sûr, il y a les « raisons historiques », puisqu’Halloween était à l’origine une fête païenne. Si elle est revenue en force, c’est pour des raisons mercantiles (passées sous silence dans cette vidéo). Malgré tout je n’arrive pas à saisir l’intérêt de fricoter avec la mort et avec les esprits. Pourquoi les gens mettent-ils des décorations visibles depuis l’espace public qui donneront ensuite des cauchemars aux enfants ? N’ont-ils pas de cœur ? Si cette fête a autant de succès, c’est bien évidemment parce qu’il y a des enjeux spirituels.

Donc, sur ce point-là, il n’y a aucun problème. Voici quelques commentaires sur ses propos, dont ce qui me dérange. Je ne vais simplement pas laisser des enseignements discutables circuler dans l’Église sans prendre position. Il se peut que je me trompe sur l’un ou l’autre point, et je suis tout à fait ouvert à la discussion.

1) À Halloween, la frontière entre le monde des vivants et des morts devient très fine

L’oratrice prend cette affirmation comme une évidence. Or, la Bible ne dit pas grand-chose sur le monde spirituel, et ne parle aucunement de la séparation des morts et des vivants de la sorte (voir par ex. Ecclésiaste 9.4-6).

2) Les esprits familiers

Lorsqu’un vivant a l’impression qu’un mort ou son esprit vient le visiter, l’oratrice affirme avec assurance qu’il s’agit d’un esprit familier. Cela suscite deux questions : d’où vient la catégorisation des esprits ? Et comment avoir la certitude de ce qu’elle avance ? Je suis convaincu que des esprits se font passer pour des morts, et qui sait, peut-être qu’il y a des catégories d’esprit. Mais soyons prudents, nous en savons peu.

Une chose est sûre, comme le dit l’oratrice, c’est que Satan connaît très bien l’être humain, il nous observe et il sait comment nous amadouer (2 Corinthiens 11.14).

3) Le monde spirituel est éternel, il a toujours été là

L’éternité est une caractéristique de Dieu. Satan et ses sbires ne sont pas éternels : ils ont un commencement, et ils ont une fin. En revanche, Dieu n’a ni commencement ni fin. Et il propose de partager sa vie éternelle avec nous. On pourrait dire que ce n’est qu’un détail, mais je ne crois pas. Une des forces de Satan est de faire croire aux hommes qu’il a un pouvoir illimité. Il a du pouvoir, mais il est soumis à Dieu, et il est déjà vaincu. Ce n’est pas la peur qui doit nous guider, mais la foi. (Voir p. ex. Genèse 1.1 ; Colossiens 1.16-17 ; Apocalypse 20.10)

4) Chasser les esprits mauvais

L’oratrice dit que, si ta maison est hantée, tu dois chasser ces esprits et enlever les objets qui attirent les mauvais esprits. De nouveau, j’aurais apprécié de la nuance, car repris tel quel, ces propos font peur. Qu’est-ce qui chez moi attire les esprits ? Lorsqu’on regarde l’activité démoniaque dans la Bible, on remarque immédiatement qu’elle culmine avec la venue de Jésus. D’ailleurs, à aucun moment Jésus ne se met à traquer les démons. Au contraire, ce sont les démons qui viennent à lui (Marc 5.1-13).

J’ai l’impression que le meilleur moyen de débusquer Satan et ses sbires est justement celui-là : se laisser remplir de Jésus par le Saint-Esprit (Luc 10.17-20). Ne craignons pas : s’il y a des démons autour de nous, c’est eux qui auront peur (1 Jean 4.4) ! Et effectivement, soyons conséquents dans notre mode de vie : les films d’horreur, les grimoires et autres éléments qui ne glorifient pas Dieu n’ont rien à faire dans notre maison. Mais une fois de plus : n’accordons pas à Satan des droits qu’il n’a pas.

5) Maquiller ses enfants en sorcière

Mais oui[1] ! c’est une évidence : les parents portent une responsabilité lorsqu’il célèbre la mort avec leurs enfants, et il peut y avoir des conséquences (Deutéronome 18.9-12). Mais, et je pense que c’est tellement important de le préciser : Christ est plus puissant. Si tu as déguisé tes enfants en démons le soir d’Halloween, tout n’est pas perdu. Premier réflexe à avoir en tant que chrétien : ne plus le faire (Romains 12.9). Deuxièmement, ne pas avoir peur, et ce, pour plusieurs raisons. Il y a peut-être des personnes qui priaient pour tes enfants et ils ont été couverts par la grâce du Très-Haut. De plus, Christ offre le rétablissement à ceux qui s’approchent de lui.

6) Une seule fois suffit

Un seul contact avec le monde des ténèbres (spiritisme ou autre) suffit à se faire contaminer par le diable. Comme l’oratrice, j’en suis convaincu. Mais j’aurais apprécié un peu d’espoir au milieu de la peur que ces propos peuvent susciter. D’une part, quand on parle du monde spirituel, on ne parle pas de mécanique. Certaines personnes, pourtant non chrétiennes, participent à des trucs franchement bizarres, et il ne se passe rien. Mais n’utilisons pas cet argument pour prendre le spiritisme à la légère, il est d’ailleurs largement condamné dans la Bible. Mais si un seul contact avec le monde de Satan suffit à nous pourrir l’existence, soyons certains qu’un seul contact avec le Christ, qui est bien plus puissant que Satan, suffit à donner la vie. Une journée avec Jésus est plus puissante qu’une vie avec Satan (1 Jean 1.9, Luc 15.11-32).

7) Ministère de délivrance

Absolument, nous avons besoin que les gens qui sont possédés par Satan soient délivrés de son emprise ! Et pour cela, Dieu utilise parfois le ministère de délivrance. Mais le moyen privilégié qu’il utilise, c’est la proclamation de la Parole de Dieu, du Christ ! Et malheureusement, je constate qu’un discours aussi détaillé sur le monde spirituel obscur n’est pas toujours propice à la vie, voici quelques éléments à prendre en considération. À noter que je me permets ici d’élargir au-delà de cette vidéo des propos qui mettent davantage l’accent sur l’œuvre du diable que sur celle du Christ :

  1. a) la Bible parle davantage de Dieu que de Satan : que notre discours lui aussi soit équilibré !
  2. b) il apporte un côté ésotérique à la foi, ce qui de tout temps a été attirant pour les hommes. Ésotérique signifie qu’il y a une connaissance que l’on acquiert en étant initié. Cela pousse les gens à rechercher cette connaissance. Or la Bible est très discrète sur le monde spirituel, il faut donc chercher cette connaissance ailleurs que dans la Parole de Dieu.
  3. c) cela donne du pouvoir — réel ou supposé — à ceux qui ont la connaissance du monde spirituel. Ils deviennent des intermédiaires.

8) La délivrance, ça devrait être le quotidien, la guérison aussi

Je suis partagé entre l’envie d’y croire et ce qu’on voit dans la réalité. Oui il y a des guérisons miraculeuses et des délivrances encore aujourd’hui. Mais qui le vit chaque jour? J’ai entendu de nombreux orateurs tenir ces propos. Mais, jusqu’à présent, je n’ai rencontré personne qui les vivait de cette manière. D’ailleurs la Bible parle de la souffrance (Ro 8 ; Jc 1.2) et de la maladie comme faisant partie de la vie chrétienne (Phil 2.27 ; 1 Ti 5.23 ; 2 Ti 4.20). On pourrait discuter longtemps de Marc 16.9-20, mais ce n’est pas le lieu. Est-ce que je manque de foi ? C’est possible, priez pour moi afin que je reste fidèle au Christ. Mais je vois aussi des hommes et des femmes promettre santé (et prospérité ?), sans que cela soit suivi d’effet. Cela a parfois un effet dévastateur sur ceux qui les écoutent.

9 ) Ce n’est que l’autorité de Jésus qui a le pouvoir de repousser le monde des ténèbres

Amen ! (Matthieu 28.18 ; Colossiens 2.15 ; Actes 4.12)

Est-ce que tout ce qui est dit dans cette vidéo est à rejeter ? Non, bien évidemment, Christ est Seigneur et elle le dit. Toutefois, il y a plusieurs éléments qui méritent des nuances. Au centre du message de l’oratrice se trouve Jésus, mais il y a de nombreux éléments qui ne correspondent pas à notre compréhension de la Bible.

Mais peut-être que vous n’êtes pas d’accord avec moi, ou que vous vivez une situation similaire dans votre Église, et que vous avez l’impression que vos responsables font de la censure. Que faire dans ce cas-là ? La première chose est d’essayer de porter un regard bienveillant sur les personnes. J’ai intitulé cet article « le retour de la censure à l’Église ». C’est accrocheur, ça donne envie de lire. Mais dans le fond, ce n’est pas de la censure, c’est de la modération (si c’était le cas, la vidéo ne sera pas publiée ici). Les mots que nous utilisons ont un impact sur notre compréhension de la situation, y compris ceux que nous nous disons à nous même. Plusieurs dangers directs nous guettent, que Satan cherchera à activer.

  1. Se méfier : la plupart des pasteurs ont fait des études bibliques, ce sont des intellectuels emprisonnés dans une pensée rationnelle et qui manquent cruellement de foi. Pourtant, un regard de foi sur l’Église invite à une reconnaissance des ministères qui ont été établis (Éphésiens 4).
  2. Généraliser/élargir le propos[2] : de toute façon, tu n’es jamais d’accord avec ce que je poste, tu n’es jamais d’accord avec tel groupe de personnes. Or, la discussion porte sur un cas particulier. Le risque en élargissant est d’attaquer la personne sur d’autres sujets qui ne sont pas nécessairement reliés à la modération, et de glisser vers un conflit interpersonnel. En se concentrant sur l’objet de la modération, il est plus facile de rester sur une discussion factuelle.
  3. La polarisation : si le pasteur/responsable répond, il y a le risque que le groupe se divise. Certains soutiendront le pasteur, d’autres la personne blessée. Très vite, l’objectif n’est plus de comprendre, mais de choisir un camp. Le débat initial se déplace : on ne parle plus du sujet, mais des personnes.
  4. La victimisation : sans le vouloir, celui ou celle qui se sent attaqué devient symbole des injustices réelles ou ressenties. À noter que l’inverse pourrait aussi être possible, le ralliement envers la figure d’autorité, symbole par exemple de fidélité ou de loyauté.
  5. Le contournement : on parle de WhatsApp, et il est si tentant d’envoyer la vidéo via des messages personnels ou encore de créer un groupe parallèle. Mais avant de le faire, il faut se demander si c’est la bonne solution. Certainement que l’objectif de transmettre l’enseignement sera atteint. Mais à quel prix pour l’unité ? Comment les gens vont-ils recevoir cet enseignement qui vient d’être enlevé du groupe ?

Dans ces situations, il est plus facile d’identifier ce qui est inadéquat que ce qu’on peut faire. Certainement que la première piste à explorer est le dialogue, afin d’essayer de construire ensemble et non pas en opposition les uns aux autres. J’espère que ces quelques lignes y contribueront. Un autre garde-fou est d’avoir une modération partagée. La modération ne devrait pas être de la responsabilité d’une seule personne afin de limiter un positionnement subjectif. Dans la mesure du possible[3], les responsables d’Église prennent une décision concertée pour modérer le contenu, ce qui a été le cas dans cette situation.

Lorsqu’on est impliqué dans une controverse, ce n’est jamais facile de trouver un ton bienveillant pour le faire, que ce soit envers la personne qui apporte un enseignement avec lequel nous ne sommes pas entièrement d’accord, ou envers les personnes qui n’ont pas compris la modération. Si j’ai commis des maladresses, je vous prie de m’en excuser. Et s’il y a des tournures de phrases ou des propos inappropriés, faites-le-moi savoir pour m’aider à mieux faire la prochaine fois. Car oui, il y aura une prochaine fois, dans d’autres circonstances, avec d’autres personnes, et j’espère que ces petits accrochages nous permettront de grandir dans l’amour et le respect.

Soyons confiants, Dieu guide chacun de ses enfants vers une plus grande connaissance de l’Éternel, jusqu’au jour où nous le rencontrerons face à face.

[1] J’abonde aux propos de l’oratrice s’offusque que certains parents maquilles leurs enfants de façon inadéquate.

[2] C’est d’ailleurs le premier conseil de Schopenhauer dans l’art d’avoir toujours raison. On peut le lire ici : https://www.schopenhauer.fr/oeuvres/lart-davoir-toujours-raison-ebook.html, consulté le 24 octobre 2025.

[3] La modération nécessite de la réactivité, il n’est donc pas toujours possible de se concerter.

Benjamin Henchoz
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1 Commentaire

  1. Corine Claus

    Les grenouilles que nous pouvons ramener lors de nos voyages à l’étranger sont des esprits mauvais comme le dit la Bible
    Apocalypse 16.13
    Je vis alors sortir de la gueule du dragon, de celle de la bête et de la bouche du faux prophète, trois esprits impurs ressemblant a des grenouilles.

    Réponse

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