Nous avons tous une idée de qui était Jésus. Pour certains, c’était un chic type. Voir même un hippie super cool puisqu’il change l’eau en vin. Pour d’autres, c’est un homme qui a instauré une nouvelle religion ou peut-être restauré une ancienne religion : bref, un homme qui dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Pour quelques-uns, il est le Fils de Dieu venu révéler l’amour du Père. Luc présente Jésus comme quelqu’un d’absolument extraordinaire. Quel que soit le regard que nous portons aujourd’hui sur Jésus, lire l’Évangile de Luc n’est pas un voyage tranquille. L’auteur nous rapporte de nombreux enseignements du Christ. Et c’est explosif ! Ce n’est pas pour rien que les régimes totalitaires empêchent l’accès à l’Évangile. Les paroles du Christ apportent une liberté, une liberté de penser et une assurance pour joindre l’acte à la parole.
Le point culminant de son enseignement et de sa vie est sa mort sur la croix. Imaginez un homme qui passe toute sa vie avec un objectif, mourir sur une croix. Rien ne l’a stoppé, il est allé jusqu’au bout. Il jouissait d’une liberté de vivre exceptionnelle, une liberté qui inspire et qui dérange. Même la croix ne l’a pas stoppé, puisqu’après avoir passé trois jours dans la tombe, il s’est relevé et a poursuivi son œuvre.
Mais j’anticipe. Ce que je viens de raconter, c’est la fin de l’histoire. J’ai complètement torpillé le récit : vous en connaissez déjà l’issue. Mais ne vous inquiétez pas, la personne à qui s’adressait Luc connaissait déjà probablement tout ça.
Luc 1 : 1 – 4, le prologue
Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et qui sont devenus des serviteurs de la parole. Il m’a donc paru bon à moi aussi, qui me suis soigneusement informé sur toutes ces choses dès l’origine, de te les exposer par écrit d’une manière suivie, excellent Théophile, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus.
Destinataire, auteur, but et moyen
Le destinataire : Théophile
Nous savons peu de choses du destinataire, Théophile. En fait, il apparaît que deux fois dans la Bible. Ici, et au début du livre des Actes, qui débute à peu près de la même façon, par une dédicace à Théophile[1]. Le livre des Actes est en fait la suite de l’Évangile de Luc, le tome II en quelque sorte. Sans plus d’indication, nous en sommes amenés à faire des hypothèses, dont une qui me semble intéressante. Théophile est un nom grec, on peut donc supposer qu’il n’était pas d’origine juive. Est-ce qu’il croyait déjà en Jésus ? Avait-il entendu parler de la foi sans être encore convaincu ? Quoiqu’il en soit, bien que Luc mentionne le destinataire de son écrit, on peut sans peine imaginer qu’il a rédigé ce document en prévision d’une large diffusion[2]. En effet, on ne trouve aucune autre référence à Théophile dans ses ouvrages, le style de l’Évangile ne plaide donc pas pour une correspondance personnelle, mais bien pour un récit de vie.
L’auteur : Luc
Nous en savons un peu plus sur l’auteur, même si l’Évangile ne le mentionne jamais. Tout d’abord, Théophile connaissait le rédacteur. Nous ne sommes pas à l’époque des réseaux sociaux sur lesquels on peut balancer tout ce qu’on veut de façon anonyme, où l’on peut faire un commentaire sans jamais être identifié. Les premiers parchemins retrouvés indiquent « selon Luc », et il n’y a aucune contestation à ce sujet. Les pères de l’Église, les premiers théologiens, ont associé l’auteur de l’Évangile à un personnage mentionné trois fois dans le Nouveau Testament[3]. Il s’agit de Luc, un médecin, compagnon de Paul, qui n’était pas d’origine juive.
But : convaincre Théophile de la véracité de ce qu’on dit sur Jésus
Luc expose clairement son but. Il veut convaincre Théophile, et par extension ses lecteurs que ce qu’on dit de Jésus est vrai. C’est une question qui nous travaille encore aujourd’hui, et que l’on adresse régulièrement aux chrétiens : comment avoir la certitude que ce qu’on raconte sur Jésus est vrai ? Il m’est également arrivé qu’on me pose la question : comment savoir si ce qu’on dit de Jésus est vrai ? Luc ne répond pas :
— Prie, et tu verras !
— Est-ce que dans ton cœur tu ressens que c’est vrai ?
— Tu te poses trop de questions, crois ce que je te dis !
— Je ne cherche pas à convaincre les autres en matière de foi.
Il écrit un premier livre de 27 pages (Luc), puis un second de 26 pages (les Actes des apôtres). 25 % du Nouveau Testament ont été écrits pour convaincre Théophile que ce qu’il a entendu de Jésus était vrai ! Il est évident que cela nous aide également à savoir ce qu’on entend sur Jésus et qui n’est pas vrai. Une aubaine alors que les théories sur Jésus se multiplient.
Cette systématisation m’intrigue sur mon rapport à la foi. Lorsqu’on me pose la question de comment savoir si c’est vrai, qu’est-ce que je réponds ? D’ailleurs dans ces quelques versets il n’est question que de transmission. Jésus est venu, et des personnes ont entendu ses enseignements et vu ce qu’il a fait. Ils sont alors devenus des témoins et des porteurs de la parole de Jésus. Luc a entendu ces témoins, et à son tour est devenu porteur de la parole de Jésus.
Moyens : l’écoute des témoins directs
Pour montrer la véracité de l’enseignement reçu, Luc effectue un travail d’historien : il ne se base pas sur les ouï-dire, mais écoute les témoins directs[4]. Luc est de la deuxième génération, il n’a probablement pas connu Jésus. Mais il va auditionner les témoins directs. Il mentionne d’autres sources écrites. Est-ce qu’il s’agit d’un Évangile canonique, celui de Marc par exemple ? Ou d’autres textes qui circulaient à son époque ? Dans tous les cas, nous ne savons pas comment il les a utilisées. Le médecin montre comment Dieu a agi dans l’histoire du monde. Ce ne sont pas des impressions. Ce ne sont pas des contes et légendes. Ce ne sont pas des lois à suivre ou à transgresser. Il est question d’une personne, Jésus, le Christ.
Théophile, tu as entendu des choses sur Jésus. Peut-être la façon de vivre des chrétiens t’a intrigué. Tu te poses des questions, et voici ce qu’il en est vraiment. Notre Dieu agit, il agit dans l’histoire, et il l’a fait d’une manière toute particulière en Jésus.
Aujourd’hui, peut-être que tu es dans cette situation : la foi chrétienne t’intrigue, mais tu sais bien ce qu’on en dit. La science dit que c’est faux ! L’éthique dit que c’est faux ! Malgré cela, ta curiosité n’est pas satisfaite et tu es intrigué. Lis l’Évangile ! Dieu est en train de t’appeler.
Laissez-moi vous raconter l’histoire de Martin Slake. Aujourd’hui, il est pasteur dans la région Lausannoise et mes propos sont en grande partie inspirés pour l’une de ses prédications[5]. Mais il y a quelques décennies en arrière, Martin était à l’école secondaire, et il a reçu un Évangile. Il vient d’une famille sans religion, et il sait très bien ce qu’on dit de ce livre. Néanmoins, il a envie de savoir. Alors il se met à lire ce petit livre qui l’intrigue beaucoup, sous son duvet pour qu’on ne le voie pas, à la lumière d’une lampe torche. Sa famille n’a jamais rien su. Lisez ce livre, vos amis n’en sauront jamais rien ! Si vous êtes curieux, faites un pas de plus, demandez à Dieu de vous parler à travers ce livre. Qu’est-ce que vous risquez ? Si Dieu n’existe pas, vous ne perdez rien. Mais s’il existe, vous pourriez bien tout gagner.
Être certain
On ne peut pas tout savoir sur Dieu, mais il y a des choses qui sont certaines. Comment être certain que Jésus est le Fils de Dieu ? Nous avons déjà vu l’élément central : lisons la Bible. Il ne s’agit pas d’être bigot, mais de se rendre disponible à la Révélation de Dieu. Il y a tellement de choses qu’on croit savoir, et que finalement nous connaissons si mal.
La liberté de penser
Mais il y a peut-être plus à faire. Tous les Nouveaux Testaments, et toute la Bible nous parlent de l’importance de la communauté. Doutes-tu de Dieu ? Te poses-tu des questions ? Pourquoi ne pas en discuter avec un ami ? Ou avec le pasteur si tu ne trouves personne avec qui en parler ? Tu peux aussi rejoindre un groupe de maisons — les groupes de maisons, ce sont quelques personnes de l’Église qui se retrouvent régulièrement pour échanger sur la foi.
Peut-être que tu n’en es même pas encore là. Tu aimerais croire, mais qu’il y a encore tellement de choses qui t’empêchent d’adhérer à la foi. Remets en question tes certitudes. Lorsqu’on baigne dans un environnement, il y a des choses que nous sommes sûrs et certains de leurs fondements, et pourtant lorsqu’on s’y attarde on réalise qu’on n’en sait pas grand-chose. Cela peut être vrai pour une communauté religieuse. Cela peut être vrai pour une société entière. Dans toutes les sociétés, il y a des dogmes qu’il ne faut pas remettre en question. Jésus est venu apporter une liberté très forte, qui inclut la liberté de penser par soi-même malgré les risques encourus. C’est pour cette raison que les dictateurs font tout ce qui est possible pour empêcher le peuple de lire la Bible. En fait, il n’y a pas que dans les pays dictatoriaux que des idées sont imposées au peuple. Dans les démocraties, c’est également le cas.
Douter de nos certitudes ?
Prenons par exemple le Big Bang. Tout le monde connaît le Big Bang. Je vous rassure, je ne vais pas m’attaquer à la véracité du Big Bang, mais à la certitude que nous avons à ce sujet. Vous en avez tous entendu parler. Et pourtant, la très grande majorité des gens ne sait de quoi il s’agit dans les détails. Que dit précisément la théorie du Big Bang ? Il y avait de l’énergie, et puisqu’il y a un lien entre l’énergie et la matière (E=mc2) l’énergie est devenue matière et l’univers fut. C’est à peu près tout ce que je connais après mon parcours scolaire et académique. Je n’en ai pas entendu parler plus que ça. Je ne sais pas si cette théorie est vraie, je ne sais pas si elle est fausse, ce que je dis c’est que je n’ai absolument aucun moyen de prendre position. Sur des questions de physique théorique, ça ne me dérange pas de laisser les spécialistes se prononcer. Mais au sujet de Dieu ? De ce qui va donner une orientation fondamentale dans ta vie ? De celui qui a, s’il existe, tout Pouvoir ? Es-tu prêt à laisser d’autres personnes dire qui il est sans chercher à te forger ta propre opinion ? Que ce soit la société ou le pasteur ? Je suis sûr que non. Ne te limite pas à ce que tu as entendu dire, renseigne-toi. Lis l’Évangile de Luc.
[1] Voir Actes 1 : 1-3.
[2] Richard Bauckham a publié un excellent livre dans lequel il aborde les questions liées à la diffusion de l’Évangile : The Gospels for all Christians: Rethinking the Gospel Audience, Edinburgh, T. & T. Clark, 1998, vi+220 pp.
[3] Colossiens 4:14; 2 Timothée 4 : 11; Philémon 1:23-24. Ajoutons à cela que le narrateur du livre des Actes utilise le nous à partir quatre reprises : a) 16.10-11; b) 20.5-15; c) 21.1-18; d) 27.1 et 28.16.
[4] Jean-René MORET, « Que faire de la communauté johannique? », dans Rev. Biblique, 125 no 4 (2018), pp. 566‑567.
[5] Westlake Church LAUSANNE, « Two Men and The Truth: Lk 1:1-4 », dans Westlake Church Lausanne: Lausanne, Switzerland, https://www.westlakelausanne.com/sermons/sermon/2010-09-05/two-men-and-the-truth:-lk-1:1-4 (Page consultée le 28 août 2023). Martin Slake a fait une série de prédication sur l’Évangile de Luc disponible ici : Westlake Church LAUSANNE, « Sermons from Luke », dans Westlake Church Lausanne: Lausanne, Switzerland, https://www.westlakelausanne.com/sermons/_scripture/luke (Page consultée le 28 août 2023).
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