Dans la série « la foi chrétienne au 21e siècle », nous avons entamé la partie consacrée à l’homme et son salut. Nous avons vu que l’homme a été créé à l’image de Dieu. Malheureusement, cette image a été entachée par Dieu, et seul Christ peut venir restaurer cette image en venant vivre en nous. On pourrait aller plus loin en considérant que nous devant refléter un Dieu dont le caractère est d’être Père et ce que cela implique pour nous. Ou encore en considérant que le Saint-Esprit est venu nous accorder un nouveau départ en nous faisant naître d’en haut, en nous donnant une nouvelle naissance.
C’est complètement dingue de penser que l’Esprit du Dieu Créateur vient en nous pour nous faire naître de nouveau. Cela peut se produire de différente manière, tout en douceur, sans que l’on puisse « dater » l’évènement, ou de façon spectaculaire. Quoiqu’il en soit, il y a une joie qui est en nous, et une pureté qui étaient alors inconnues : Jésus nous a purifiés ! On est blanc comme neige ! Chose inconnue jusque-là, on est enfin libre par rapport au péché. Il y a un changement dans notre vie, radical parfois, progressif dans tous les cas. Si vous n’avez pas connu cela, je vous invite à placer votre confiance en Christ et à le suivre sur son chemin.
Mais voilà, après l’euphorie du départ, une fois où l’autre, inévitablement, on se plante. On fait le mal, on reprend une mauvaise habitude. Qui n’a pas fait cette expérience ? Surgissent alors tous pleins de questions.
- Est-ce que les chrétiens sont réellement libres du péché ?
- Ai-je réellement été sanctifié par le sang de Jésus ?
- L’expérience vécue était-elle authentique ?
- Suis-je chrétien ?
- La foi a-t-elle un sens ?
Il arrive également que l’on fasse ce genre de constat dans la vie des autres chrétiens, par exemple lorsqu’il y a un conflit dans l’église, lorsqu’un de nos modèles de foi fait une chose absolument incompréhensible : manipulation, problèmes de mœurs, etc. On se demande alors quelle est la valeur de notre foi et ce que Dieu fait.
Ces constats d’échec, qu’il s’agisse d’échec personnel ou de ceux de nos frères et sœurs en Christ, pourraient facilement venir ébranler notre foi et remettre en question même le fondement de notre assurance : l’union à Christ que le Saint-Esprit opère en nous.
Écoutons ce que la Bible dit de l’homme, puis revenons à nos questions. En parlant de l’homme, il s’agit bien sûr de l’homme et de la femme, de l’humanité dans son ensemble. Le français, comme d’autre langue, a cette particularité d’utiliser l’homme comme synonyme d’être humain.
Les quatre états de l’homme
Lorsqu’on lit la Bible, on remarque une évolution entre le début et la fin. Être attentif à ce développement évite d’attribuer à la création ce qui provient de la chute, d’attendre de la société ce qui provient de la rédemption[1], de penser que les chrétiens sont parfaits alors que nous ne sommes pas encore dans la gloire avec le Christ.
Après avoir appris que l’homme avait été créé à l’image de Dieu, vous en avez peut-être parlé autour de vous. Un de vos collègues vous a peut-être rétorqué : « eh bien, si l’homme a été créé à l’image de Dieu, alors Dieu est vraiment tordu ! » Par cette remarque, on constate qu’il est facile d’attribuer certaines choses à la création, et donc à Dieu, alors qu’elles proviennent de la chute. Je vous propose donc un schéma d’interprétation de la Bible simple, qui permettra de mieux interpréter la Bible, mais également d’avoir une vision plus réaliste du monde qui nous entoure et de l’homme en particulier. C’est un schéma qui se fonde sur un classique de la théologie réformée : création, chute, rédemption, auquel il est utile d’ajouter la glorification.
Création
La première page de la Bible nous dit qu’en six jours, Dieu a créé tout l’univers. Le sixième jour, après avoir créé l’homme à son image, il dit :
31 Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. (Genèse 1 : 31a)
Le monde entier, y compris l’homme, a été créé par Dieu à partir de rien. Dieu a créé le monde bon. La matière n’est donc pas mauvaise en elle-même, notre corps n’est donc pas quelque chose dont on doit s’accommoder en attendant la libération. Tous les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu.
Voici, en quelques mots, le monde tel qu’il était à la création. L’être humain, en particulier, puisque c’est de lui qu’il s’agit ce matin, était foncièrement bon. En ce temps-là, l’homme faisait naturellement ce qui était bien. Il avait le choix de pécher, mais il devait agir consciemment, il devait faire le choix de pécher. On pourrait formuler cela de la façon suivante : l’homme créé peut pécher.
Il peut pécher, mais il n’est pas obligé de le faire. Mais vous connaissez la suite de l’histoire, et l’homme a choisi de manger du fruit interdit par Dieu.
Chute
23 Car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; (Romains 3 : 23)
Adam et Eve ont mangé du fruit défendu. Ils ont péché en se détournant de Dieu. L’image de Dieu, au lieu de regarder Dieu pour trouver son identité, à préférer regarder à lui-même. Ce lien si puissant qui le liait à Dieu a été rompu.
La peur survient, le travail devient pénible, l’homme par lui-même n’est plus capable d’aucun bien. La collaboration avec le sexe opposé devient difficile, chacun cherchant un rapport de domination.
Le péché de l’homme lui donne un avant-goût de ce que sera sa mort. Depuis ce jour, séparé de Dieu, l’homme ne peut pas s’empêcher de pécher. L’homme a chuté, il est tombé, c’est un homme déchu. On peut formuler cela de la manière suivante : l’homme déchu ne peut pas ne pas pécher.
C’est l’état de l’homme actuel, c’est l’état dans lequel nous nous trouvions avant de rencontrer Dieu.
Rédemption
Dieu n’a pas voulu laisser l’homme dans la misère. Il a envoyé son Fils pour nous racheter.
Par son œuvre, Christ a souffert la mort que nous méritions, il a racheté l’homme de son péché. À ceux qui croient en lui, il leur donne de goûter à la grâce de Dieu. Il n’y a rien besoin de faire, rien à accomplir, rien à savoir, simplement croire que Jésus est le Fils de Dieu, et qu’il est mort pour nos péchés. Comme le dit Jean, au début de son Évangile :
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue [la Parole, le Christ !], à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. (Jean 1 : 12-13)
Depuis ce jour glorieux où nous avons accepté le Christ, notre cœur a changé, notre être entier a changé, nous avons été purifiés de tous nos péchés comme le dit Jean dans son épître :
7 Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes mutuellement en communion, et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. […] 9 Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. (1 Jean 1 : 7, 9)
On pourrait reformuler cela en disant que l’homme régénéré peut ne pas pécher.
En Jésus Christ, l’homme peut enfin goûter à nouveau à la grâce de Dieu qu’il avait perdu. Car en Jésus, la grâce de Dieu est manifestée dans sa plus grande perfection, le lien qui avait été rompu a été recréé. Cette grâce ne nous pousse pas à nous complaire dans le péché, sous prétexte que Dieu pardonne. Au contraire, elle nous pousse à regarder notre grand Frère, le Christ, parfait, sans péchés, et à aspirer à une vie sans péchés. Lorsque nous choisissons de vivre par l’Esprit, plutôt que par la chair, le péché s’éloigne de nous.
Glorification
Un jour, lorsque Jésus reviendra ou que nous irons vers lui, Dieu nous ressuscitera d’entre les morts. Nous recevrons, comme Christ lors de sa résurrection, de nouveaux corps, et nous serons des hommes et des femmes glorifiés. La caractéristique de l’homme glorifié, c’est qu’il ne peut pas pécher. L’homme glorifier ne peut pas pécher. On en aura définitivement fini dans notre lutte avec le mal, Jésus nous aura définitivement transformés par la puissance de l’Esprit.
Comme le dit Paul
42 Ainsi en est-il de la résurrection des morts. Le corps est semé corruptible ; il ressuscite incorruptible ; 43 il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; 44 il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. (1 Corinthiens 15 : 42-44)
À ce moment-là, nous vivrons jour après jour la grâce de Dieu sans aucune mesure avec ce que nous pouvons vivre aujourd’hui : j’ai hâte !
Résumé
Nous venons de voir le schéma création, chut, rédemption, glorification, appliqué à l’être humain.
- L’homme créé peut pécher ;
- l’homme déchu ne peut pas ne pas pécher ;
- l’homme racheté peut ne pas pécher ;
- l’homme glorifié ne peut pas pécher.
Nombre de théologiens ajoutent la conservation, ce qui donne le schéma création, chute, conservation, rédemption et glorification[2]. Mais les schémas en théologie c’est un peu comme les mathématiques. Lorsqu’on apprend à compter, on apprend les opérations de bases, addition, soustraction, multiplication, division. À partir de là, on peut développer le reste, les puissances, les racines, les logarithmes, etc.
Autre point de comparaison entre les mathématiques et la théologie : on peut très facilement partir dans des choses très compliquées, par exemple calculer dans la 4e ou 5e dimension. Les spécialistes trouveront ça très intéressant, mais ce qui nous intéresse est de voir si cela correspond à la réalité. Cette armoire aperçue dans un grand magasin, pourra-t-elle être montée dans mon salon, ou touchera-t-elle le plafond lorsqu’on la redressera ?
Je vous propose qu’on reprenne nos questions de départ, et que l’on regarde quel éclairage ces étapes de l’histoire de la Rédemption viennent donner aux questions que nous nous sommes posées en introduction.
Applications
J’ai posé des questions qui nous concernent personnellement, des questions qui concernent les autres, et j’ajouterai des questions sur notre société.
Personnels
Dans notre marche chrétienne, on remarque plus ou moins brutalement que malgré notre consécration à Dieu, on continue à pécher, et cela soulève en nous des questions.
- Est-ce que les chrétiens sont réellement libres du péché ?
- Est-ce que j’ai vraiment été sanctifié par le sang de Jésus ?
- L’expérience était-elle authentique ?
- Suis-je chrétien ?
- La foi a-t-elle un sens ?
Ces questions proviennent toutes du constat, je suis chrétien, et je continue à pécher. Cette analyse se fonde sur une identité et une action. Une identité, être chrétien, et une action, pécher, deux choses a priori incompatibles, puisque Jésus est venu nous délivrer du mal. On peut donc remettre en cause notre identité, comme dans les questions :
- L’expérience était-elle authentique ?
- Suis-je chrétien ?
Il faut alors se demander mais qu’est-ce qui fait mon identité de chrétien ? Qu’est-ce qui fait que je suis chrétien et que mon voisin ne l’est pas ? Si la réponse à cette question est « je ne pèche pas », alors je n’ai rien compris à l’Évangile ! Cela signifie que mon identité ne se trouve pas en Christ, mais dans ce que je fais. Non, ce qui fait mon identité de chrétien, c’est la confiance que je place en Christ. Ce n’est même pas une expérience, c’est la foi en Jésus et en ce qu’il a accompli pour moi.
On peut donc remettre en question l’action :
- La foi a-t-elle un sens ? La promesse de l’Évangile est de nous délivrer du pécher, et cette promesse n’est pas tenue, la foi n’a pas de sens.
- Est-ce que les chrétiens sont libres par rapport au péché ? Manifestement pas, pourrait-on répondre dans la hâte, puisqu’ils continuent à pécher.
C’est justement dans ce rapport au péché que le schéma création, chute, rédemption, glorification prend tout son sens. En croyant en Jésus, nous sommes réellement sanctifiés, purifiés de nos péchés. On remarque que notre rapport au mal a changé, nous avons une liberté que nous ne connaissions pas avant notre conversion. Toutefois, nous ne sommes pas dans le cas où le péché deviendrait un choix conscient : je choisis de faire le mal, comme si nous étions dans le même état qu’à la création. Nous ne sommes pas non plus prisonniers du péché, dans l’impossibilité de faire autrement. Nous sommes dans un état de lutte : nous pouvons faire le choix de ne pas pécher.
Si l’on veut questionner son identité chrétienne, la question n’est pas « est-ce que je continue à pécher ? » car la réponse sera systématiquement oui, donc disqualifiante, et dans l’impossibilité de revêtir les corps de gloire promis par le Christ. Pour questionner notre identité, la bonne question est : « est-ce que mon rapport au péché a évolué ? » Est-ce que je vis davantage de liberté ? Est-ce que le péché me dégoûte plus qu’avant ? Est-ce qu’il y a une progression dans ma sanctification ?
L’église
Il arrive que le problème ne surgisse pas de nous, mais des autres. Je ne parle pas encore ici des non-chrétiens, mais de nos frères et sœurs dans la foi. Lorsqu’une figure de référence, ou une organisation chrétienne commet quelque chose d’inacceptable : détournement d’argent, abus de toute sorte, négligence, problème de mœurs… Lorsque ces problèmes surgissent dans la société, c’est intolérable. Mais dans l’église… les choses ne devraient-elles pas être différentes ? Est-ce que cela ne montre pas l’hypocrisie de la foi ?
Sans aller dans des problèmes aussi graves, qu’en est-il des conflits dans l’église ? Conflits de pouvoir, d’organisation, désaccords théologiques profonds qui conduisent à la rupture…
Ce que je vais dire par la suite ne résoudra aucun problème et ne les rendra pas plus acceptables. En revanche, cela nous permet d’intégrer cette réalité de conflit dans notre conception de la foi chrétienne. En effet, ces problèmes ne devraient pas nous conduire à remettre en question notre confiance en Dieu. Au contraire, cela nous montre notre dépendance à Dieu et notre besoin, dans toutes nos relations, de nous laisser sanctifier par la mort de Christ sur la croix et de vivre l’Évangile, le pardon, d’une façon continuellement renouvelée.
Deux raisons conduisent à ces problèmes dans l’église. La première, qui n’est pas le propos de ce matin et que j’évoque brièvement, c’est que l’église visible a toujours été et sera toujours mélangée. Il y a des personnes qui ont véritablement confessé Christ, et d’autres qui sont là pour d’autres motifs. Deuxième raison, nous continuons à pécher, malgré notre appartenance à Christ. L’homme racheté peut ne pas pécher. Il faut faire le choix, lutter contre sa nature, s’appuyer continuellement sur l’Esprit de Dieu qui vit en nous pour parvenir à mener une vie sainte. À chaque fois que nous nous détournons de Dieu, par mépris, par ignorance, ou pensant y arriver par nos propres forces, on tombe, on chute. C’est vrai pour nous individuellement, c’est également le cas lorsque nous formons une communauté. Que faut-il faire alors ? Vivre l’Évangile. Parce que nous croyons qu’il y a une véritable puissance dans le pardon qui coule de la croix, et qui débouche sur des situations transformées par la puissance de résurrection. J’insiste sur cette notion de transformation : le pardon est central, mais il doit y avoir des changements. Il n’est pas envisageable qu’une personne continue à commettre des méfaits en toute impunité parce qu’il a exprimé une repentance du bout des lèvres. L’église, ce n’est pas une communauté de femmes et d’hommes parfaits. Ce sont des hommes rachetés qui attendent avec impatience la glorification de leur être. Mais pour l’avoir vu de mes propres yeux, c’est lorsque les yeux se tournent vers ce qui a été accompli sur la croix que les situations changent.
La société
Encore quelques mots sur la société. L’homme déchu ne peut pas ne pas pécher, c’est l’état de tous ceux qui ne placent pas leur confiance en Jésus. Cela a trois implications majeures. D’une part, la solution au mal ne se trouve pas dans un changement de système, mais dans une transformation des cœurs : seul le Christ nous rend libres face au péché, seul Jésus fait qu’on peut ne pas pécher. Annonçons l’Évangile avec zèle.
Deuxièmement, nous devons, en tant que société, utiliser les outils que Dieu nous a donnés pour mettre un frein au péché, et dans ces outils, il y a la loi.
Troisièmement, nous ne devons pas avoir les mêmes attentes envers les non-chrétiens qu’envers les chrétiens.
Conclusion
Pour conclure, je vous invite à réfléchir en quoi ces changements de nature de l’homme vous permettent de mieux comprendre le monde, et surtout d’être des meilleures disciples de Christ. Dans les situations difficiles, ne vous découragez pas, le meilleur est à venir !
- L’homme créé peut pécher ;
- l’homme déchu ne peut pas ne pas pécher ;
- l’homme racheté peut ne pas pécher ;
- l’homme glorifié ne peut pas pécher.
N’oublions pas :
vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu. (1 Corinthiens 6 : 20)
[1] Sur ce sujet, on peut lire l’excellent article de Jean-René MORET, « Création, Chute et Rédemption », p. 5.
[2] Jean-René MORET, Dieu agit pour préserver ce monde, https://lafree.ch/info/dieu-agit-pour-preserver-ce-monde (Page consultée le 29 juin 2022) ; « Comment diviser l’histoire de la rédemption? », 26 février 2019, dans Dominique Angers, https://dominiqueangers.toutpoursagloire.com/diviser-histoire-de-la-redemption/ (Page consultée le 29 juin 2022) Dominique Anger parle de Création – Chute – Promesse – Accomplissement – Parachèvement, mais si les termes changes, le principe est semblable.
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